Déambulation 46. Nul ne déambule sans mouvement

À plusieurs reprises dans ce blogue j’ai tenté de séparer la déambulation de la rêvasserie, même si cet aspect en fait partie. L’objectif n’a jamais été de renier l’oisiveté, mais bien de l’inclure dans un processus plus large, plus inclusif et plus dynamique. En ces temps politiques, il m’a été impossible de ne pas réfléchir à la question à travers le filtre du mouvement social qui, comme plusieurs, me guide depuis les trois derniers mois. Je n’ai pas arrêté de déambuler, je n’ai pas arrêté de manifester. La relation qu’entretiennent ces deux exercices a déjà été abordée ici, mais il me semble important d’affirmer ceci : je n’ai pas troqué la déambulation par la manifestation. Je déambule encore seul, comme je le fais depuis plusieurs années, avec en tête toutes les questions de l’errant, avec la puissante volonté de ne pas en trouver les réponses précises pour éviter les frontières.

Avec la grève, les manifestations, les nouvelles, les déceptions et le mouvement encore grandissant, il m’est arrivé d’avoir peur de sentir la créativité se diluer. Il m’est si souvent arrivé, ces derniers mois, d’écrire des poèmes en les laissant à l’abandon par manque d’intérêt, attiré plutôt par les cris de la foule à l’extérieur appelant à la solidarité. Sur des chansons, des pièces de théâtre, des livres, des œuvres visuelles, j’ai porté quelques fois des regards méprisants, me disant que les rues sont remplies de revendications plus urgentes que ces créations plus ou moins fortes. Pourtant, l’art m’a été d’une grande utilité pendant ce combat : les manifestations ont poussé ma créativité et raffiné ma pratique photographique, les reconductions de grève et les questions sociales qu’elles soulèvent m’ont fait publier des essais ici et ici, et réfléchir avec un éclairage nouveau à un recueil de poésie en réécriture. Nous parlons tous du mouvement étudiant, sans cesse, avec ardeur, déprime, fatigue. Impossible de déambuler sans ce mouvement. Le double-sens de cette phrase n’est pas un hasard : si le mouvement (étudiant) est au centre de mes activités quotidiennes, de ma pensé et de ma créativité, il est obligatoirement au centre de ma déambulation. C’est ce qui explique l’évidence du titre de ce billet : nul ne déambule sans mouvement.

C’est pourquoi, muni de ma caméra qui a tant servi lors des manifestations, j’ai déambulé sans être en mesure de voir autre chose que les signes du mouvement actuel collés, affichés, graffités ou gravés sur les murs et sur les fenêtres de la ville. Mon regard ne suit que les carrés rouges et toute autre forme de désobéissance civile dont les restes s’accrochent encore au mobilier urbain, signe de la radicalité et de la créativité du mouvement. C’est avec fierté que je continue à photographier ces signes qui transforment le vandalisme en solidarité.

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