Déambulation 87. No olvidemos todas las otras maneras de amar

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Je peux dire à présent que j’ai participé à des festivités de la fierté gaie en Espagne plus qu’ailleurs au monde et c’est généralement de la même manière que ça se déroule : fête et spectacles le soir, parade le lendemain et re-fête le même soir, le tout représenté par la célébration de la diversité, par des messages et discours politiques, par la promotion de groupes communautaires, par de la publicité pour des compagnies privées et des entreprises locales, par de l’éducation sexuelle, par l’exhibition des corps et des préférences sexuelles, par une culture pop très précise qui cohabite avec différentes cultures alternatives sans confrontations, par l’humour et par tous les excès. Quand on a vu une Gay Pride, on pourrait dire qu’on les a toutes vues, mais ce n’est pas une raison de les bouder, particulièrement celles qui se déroulent en Espagne et qui sont, comme les Espagnols, excessivement festives.

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Celle de Barcelone tombait au lendemain de l’annonce de la légalisation du mariage pour les couples de même sexe aux Etats-Unis, émouvante nouvelle qui a donné un ton encore plus social au festival se déroulant cette année sous le slogan stop bullying. Ces deux mots étaient très souvent scandés avec l’accent espagnol qui étrangement renforçait le propos. Plusieurs animatrices et travesties ont demandé publiquement, non sans humour, une réforme pour contrer l’intimidation des personnes LGBTQI à l’école et en milieu de travail, certaines racontant leur propre histoire à titre d’exemple, puis ont félicité avec enthousiasme les nouveaux droits enfin acquis aux Etats-Unis – l’une d’elles s’est enorgueillie d’avoir au moins cette avance sur l’Amérique, puisque le mariage gai a été légalisé au pays en 2005. À cela, elle a ajouté un conseil aux Américains : notre combat ne s’arrête pas là. Effectivement, l’Espagne, mais pas seulement, pourrait servir de modèle à l’égard de certains enjeux liés aux droits des LGBTQI pour des pays comme les Etats-Unis dans lesquels ces mêmes droits sont plus fragiles, voire bafoués : en bref, le mariage gai ne règle pas tous les soins médicaux inadaptés, la marginalisation légale en milieu de travail, la non reconnaissance de modèles familiaux diversifiés, l’itinérance et la maladie mentale, la normalisation et le déni de la violence et de la discrimination, etc. Plusieurs articles, d’ailleurs, on été écrits très rapidement dans des grands médias américains et britanniques à cet égard, articles qui font un peu d’ombre aux célébrations auxquelles les Américains s’adonnent pourtant avec raison. Cette ombre est nécessaire, à mon avis, pour que le militantisme gai ne s’arrête pas à ce droit comme l’ultime droit – Ellen Degeneres a publié sur Twitter love won, alors qu’une travestie sur la scène du site de la Pride de Barcelone a dit no olvidemos todas las otras maneras de amar (n’oublions pas toutes les autres manières d’aimer).

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Je connais beaucoup de personnes qui entretiennent un malaise important à l’égard des Pride : l’hyersexualisation et l’hypercommercialisation sont effectivement agressives, mais font partie d’une certaine culture gaie – à nous de choisir d’en faire partie ou pas. Aussi dérange une surreprésentation d’un seul modèle de l’homosexualité symbolisé par un homme musclé au visage « masculin » (la barbe est de mise, mais pas toujours, tant et aussi longtemps que les muscles sont là) mais qui se déhanche avec une souplesse « féminine » – on est alors dans un cliché qui célèbre à grandes pompes, et au rythme de la musique house, le sexisme dans l’absence des femmes.

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Si ce modèle est effectivement présent dans plusieurs supports adressés aux homosexuels (et non aux homosexuelles, bisexuel.le.s, trans, etc.), c’est sans doute parce qu’il est celui qui se rapproche le plus de l’hétérosexualité – cet homme attire peut-être plus de femmes hétérosexuelles que d’homos ; cette fausse ambigüité est la même qui vend et dont on se sert dans le monde de la mode. Toutefois, les fêtes de la Pride sont là pour souligner la fierté de faire partie d’un groupe « marginal » et issu de la diversité sexuelle, d’être parmi ce drôle et mouvant acronyme que forment les lettres LGBTQI. Il ne s’agit pas exclusivement de fierté gaie comme si ce n’était l’occasion de fêter que ce seul modèle, confusion largement répandue et qui à mon avis est un peu sexiste et surtout sans égard aux autres groupes (il y a de la domination même chez les dominés).

Dans cette diversité, tous les modèles ont leur place et mon implication dans le projet #mygaypride, organisé par TwoBadTourists, participe de cette logique : l’idée est simplement d’utiliser ce mot-click pour rassembler des voyageurs de plusieurs pays autour des événements de la fierté LGBTQI de sorte à diversifier les points de vue sur ces événements tout en faisant la promotion de l’affichage de l’homosexualité des voyageurs lorsqu’ils parcourent le monde. De fait, il y a une multitude de façons de participer à la Pride comme il y a autant de façons d’aimer.

Cette parade qui ressemble à une manifestation sert à montrer qui nous sommes, toutes et tous, libres forgerons de notre image, de notre corps et de notre mode de vie. Pendant la parade et les festivités de la Pride de Barcelone, j’ai vu, photographié et surtout échangé avec toutes sortes de personnes venues célébrer ce qu’elles ont choisi d’être cette journée-là, peu importe si cela coïncide ou non avec ce qu’elles sont à l’année longue. Certaines sont venues en famille, d’autres entre amis. Plusieurs sont venues pour s’exhiber, d’autres pour regarder, la majorité jouaient, dansaient, s’amusaient sur la fragile frontière entre participants et spectateurs comme on joue avec les frontières de l’orientation sexuelle et de l’identité, sachant que le seul fait de se présenter à cet événement fait de soi un acteur, c’est-à-dire une personne qui agit, une personne dont la présence est action. Rapidement, comme à toutes les autres Pride, mon appareil photo ne servait pas de bouclier pour me protéger, mais bien de voie de communication avec celles et ceux que je photographiais.

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