Déambulation 75. La poésie viendra plus tard

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Après avoir parcouru les paysages de l’est de Clifden, nous avons tourné nos vélos vers l’ouest pour continuer à découvrir les paysages de la région : nous avons roulé jusqu’à Cleggan, puis nous avons pris le ferry pour Inishbofin, toute petite île voisine des très touristiques îles d’Aran que nous avons volontairement boudées. Nous avons privilégié Inishbofin en obéissant aux suggestions de plusieurs personnes. Des touristes, il y en avait, mais près de la majorité d’entre eux étaient Irlandais ; il était d’ailleurs facile de larguer les familles, les couples âgés et les couples en lune de miel. Nos vélos nous ont transportés partout, des bords circulaires de l’île aux terres vallonnées et parfois désertes. Inishbofin donne à voir, au tournant d’une colline, des plages de galets, des plages de sable fin et des espaces dont la vastitude trahit la petitesse de l’île. Ici, facile de croire que l’on se trouve au bout du monde – j’ai d’ailleurs beaucoup pensé au Chili, à ses îles patagoniennes et son silence venteux – tant on croit d’un coup à une solitude absolue malgré les touristes qu’on aperçoit au loin, les habitants de l’île qui saluent d’un sourire franc, les vaches, les moutons, les ânes, les chevaux, les coqs et les poules qu’on croise en chemin. Nous ne sommes jamais seuls – pourtant on croirait, en regardant la mer, que cette minuscule plage n’est connue d’aucun.

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J’ai peu de mots à écrire à propos de ces paysages : s’y confronter, jour après jour, mène nécessairement au silence. Le souffle court à cause des pentes montées à vélo, je me demandais encore si mon étourdissement venait de la fatigue ou du ravissement. Nous avons déambulé longuement sur nos vélos comme Réda le faisait à Paris, toutefois nulle autre poésie ne s’ajoutait à celle des images qui nous préexistent. Ne s’imposaient que des mots solitaires et répétés : beau, c’est beau, que c’est beau. La poésie viendra plus tard, sans doute au retour, faite de mots aussi vastes que l’horizon.

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Étranges paradoxes que forme la nature Irlandaise : de Clifden, nous sommes allés visiter le Kylemore Abbey, ancien château victorien – devenu école achetée ensuite par les nonnes – majestueusement coincé entre les arbres et la rivière, au bord d’une montagne luxuriante, jouxtant des jardins et des boisés découpés au couteau, esthétiquement opposés à la nature sauvage et vaste d’Inishbofin. Ici, les touristes se suivent à la queue-leu-leu pour parcourir le trajet préétabli, de sorte à ce que ce soit difficile d’être seul. Nous avons pu piqueniquer quelques minutes en profitant d’un silence soudainement rare pour continuer plus tard notre route parmi les sentiers asphaltés qui traversent les bois.

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La symétrie était au rendez-vous, soulignant l’intervention de l’homme sur la nature : on dénotait parfois une imitation des jardins français, mais ceux de Kylemore, aussi arrangés soient-ils, révélaient tout de même leur appartenance anglo-saxonne, notamment par la présence de bosquets faussement négligés et d’un drôle de mur, la façade d’une demeure ancestrale qu’on a gardée là, mi-abandonnée mi-adorée, comme l’ornement parfait d’un lieu qui mêle fièrement ses influences, à l’image de cette Irlande multicolore. Cette image est celle que je garde de la région, voire du pays, en attendant un autre mur, un autre arbre, une autre île et une autre ville qui bousculeront en toute lenteur les poèmes qui s’écrivent insidieusement au cours de mes contemplations.

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