Déambulation 58. Journal d’une gay pride (partie 2)

3 et 4 juillet.

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Je suis pas particulièrement fanatique des festivals de la fierté gaie parce qu’avant d’en voir à l’étranger je n’avais vu que ceux de Montréal, beaucoup trop commerciaux à mon avis (Fido fout des chiens dans la rue avec des publicités accrochées à leurs colliers, la banque TD place des hommes ne portant que des petites shorts vertes et un tatouage temporaire du logo sur le torse, Tojan déguise un homme excessivement musclé en gladiateur derrière un bar qui ne sert que des Red Bull…), mais aussi archi touristique, ce qui n’est pas un problème en soi, mais les touristes gais à Montréal étaient à l’époque majoritairement riches, canadiens ou américains (le tourisme à Montréal a beaucoup changé). On est loin de la diversité touristique européenne, continent habitué aux expats, aux erasmus et aux visiteurs-voisins de courte durée. J’ai donc commencé à éviter inconsciemment les gay prides sans vraiment les boycotter : je les ai plus ou moins toutes manquées depuis les dix dernières années.

Je ne suis pas un voyageur de gay prides (oui, ça existe, des voyageurs qui sautent intentionnellement d’une pride à l’autre), mais il m’est arrivé d’en voir plusieurs à l’étranger : Barcelone, Stockholm et, cette semaine, Madrid. Voyager m’a vachement réconcilié avec le concept dont l’origine est hautement militante, ne l’oublions pas.

Cette dimension était présente de façon évidente mais sage à Stockholm – le défilé avait surtout des allures communautaires – et exagérée à Barcelone – on y prononçait de longs discours passionnés et on arborait des pancartes aux messages politiques. Le défilé n’a pas encore eu lieu à Madrid, mais la ville entière semble s’être mobilisée (le terme est le bon, car l’aspect militant est très fortement ressenti ici : dans le programme du festival, on n’utilise pas le mot « défilé », mais bien « manifestation ») en se modifiant pour les événements. Le drapeau arc-en-ciel est accroché à tout plein de balcons et aux entrées des commerces à l’extérieur de la Chueca. De plus, il n’y a pas que des gais et lesbiennes qui prennent part à ces festivités : énormément de Madrilènes de tous âges et de tous genres, seuls ou accompagnés, se sont donnés rendez-vous pour célébrer la diversité que les gens d’ici valorisent fièrement.

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Au spectacle d’ouverture, une travestie s’est mise à « chanter » et à « danser » pour ensuite souhaiter la bienvenue à toutes et tous. Rapidement, elle a cédé la scène à Paloma San Basilio, une (médiocre) chanteuse populaire espagnole visiblement très appréciée de la communauté gaie, qui a proclamé un discours sur la diversité, sur la notion de fierté pour soi et pour les autres. Puis, elle s’est insurgée contre un règlement municipal interdisant, à mois de faire payer une somme faramineuse aux organisateurs, la tenue d’événements publics dépassant un certain nombre de gens, règlement qui a été créé il y a quelques années afin de taire les manifestations contre les mesures d’austérité (on voit bien que ça n’a pas fonctionné). Elle s’est alors attaquée à toute mesure visant à menacer ou monnayer la liberté d’expression. Pendant qu’elle affirmait fièrement que cette fête n’était pas l’occasion de remplir les coffres d’un gouvernement corrompu et des multinationales, d’énormes banderoles se sont déroulées d’un balcon bien en vue sur lesquelles étaient écrits des slogans anticapitalistes : no al capitalismo rosa. Il n’en fallait pas plus pour émouvoir une foule certes conquise d’avance, et même à conscientiser un tant soit peu les esprits : j’ai vu beaucoup de gens refuser avec véhémence les tracts distribués pour annoncer que McDonald’s a un nouveau burger ou que la compagnie de télécommunications Orange offre des nouveaux forfaits. Le coup d’envoi de la gay pride madrilène était donc très politique.

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Les visages ont souri, ont pleuré, se sont plus émus quand Paloma, accompagnée de mélodies synthétiques préenregistrées d’un kitsch insupportable, s’est mise à « chanter » des paroles aussi peu profondes que nécessaires et appropriées dans ce type de fête : soy lo que quiero, no cambiaré, soy lo que soy, juntos con amor, etc. Du coup, ce ne sont pas les drapeaux ni Paloma que j’ai photographiés. Mon objectif a visé les visages des fêtards, comme un réflexe. Je ne sais pas si c’était l’émotion qui me guidait ou si je prenais ces photos frénétiquement pour la freiner, mais je sais que c’était une façon pour moi de capter celle des autres et tranquillement faire partie de la fête.

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