Déambulation 57. Journal d’une gay pride (partie 1)

2 juillet

Je me suis perdu. Je voulais trouver un restaurant conseillé par le Lonely Planet, mais je me suis perdu. Comme dans plusieurs villes européennes, le nom de certaines rues de Madrid n’est pas indiqué. J’ai donc fait l’erreur classique du touriste obstiné à ne jamais demander son chemin et me suis retrouvé aux bords de la Chueca, quartier gai de Madrid situé du côté inverse du resto que je cherchais. J’ai pris un bocadillo sur le pouce pour calmer ma faim et me suis mis à déambuler dans le quartier.

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Frénésie, gens partout. Surtout des hommes. Tous les clichés y sont : camisoles, petits chiens, colliers choaker, couples identiques et vieux pervers, mais aussi drags, queers, punks, habitants habituels, prostitués, fêtards de rue, serveurs de bars. Bref, vie de quartier.

Malgré ces clichés partout pareils, j’aime les « villages gais », non pas parce que je m’y sens chez moi ou représenté, mais bien parce qu’on y trouve des gens – qui y habitent ou pas – qui s’y identifient complètement. Les quartiers dans lesquels le sentiment d’appartenance des passants se sent si fortement ne sont pas si communs. Bien sûr, on pense à Montréal, au Plateau, au Mile-End, au Vieux-Rosemont, et toutes les grandes villes que j’ai visitées ont leur Plateau, leur Mile-End, leur Vieux-Rosemont. La plupart des grandes villes (mais vraiment pas toutes : Stockholm ?) ont leur quartier gai. Les Plateau ont leurs bobos nouveaux riches qui se confrontent aux anciens hippies devenus profs et aux « autochtones du quartier » issus d’une famille ouvrière. Tous les Mile-End ont leurs hipsters végés tatoués qui se confrontent aux « autochtones du quartier » issus d’une communauté ethnique. Tous les Vieux-Rosemont ont leurs étudiants pauvres qui se confrontent aux petites familles nouvelles et aux douche-bags qui rendent visite un peu trop souvent. Tous les quartiers gais ont… leurs gais, des fraîchement sortis du placard, des clubbers, des douche-fags, des minets, des daddys, des cuirs, des bears, des lipsticks, des butchs, des fag-hags, des couples d’intellectuels, d’artistes et de pauvres. Mais aussi des « autochtones du quartier » qui ont participé à une certaine libération homosexuelle dans la ville, qui ont littéralement occupé un quartier pour montrer à la face de la ville qu’ils resteront là, tels qu’ils sont. Si certains sont agacés par l’arrivée massive des clubbeurs en goguette venus flamber leur argent en danse et en sexe, plusieurs, je le crois, voient là le résultat auquel ils n’osaient même pas rêver de leur occupation, de leur lutte. Ils sont moins bruyants et moins clinquants que les autres, mais on les voit abondamment parler au serveur de tel resto, au caissier de tel dépanneur, voire même flirter avec un passant. On les voit assis à leur balcon regarder la foule, Calle Pelayo, Calle San Marcos, Calle Libertad, se préparer à El Orgullo de Madrid qui commence demain.

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On dira ce qu’on voudra sur les festivals de la fierté gay (comme la plupart des événements publics d’envergure, ils sont hypersexualisés, hypercommercialisés et servent trop à promouvoir des compagnies de télécommunication, de boissons énergisantes et de vêtements), mais il y a moyen de voir aussi dans ces festivités la célébration d’une orientation sexuelle qui a encore besoin d’être soulignée en souvenir de Stonewall et de celles et ceux qui occupent encore les lieux qu’ils ont eux-mêmes délimités. Ces drôles de drapeaux aux couleurs volées au ciel qu’on voit partout dans la Chueca, c’est aussi en leur honneur qu’on les élève.

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