Ce chemin se décide ou va de soi. Si on le trace à l’avance, il devient parfois trop clair puisqu’il éclaire un point d’arrivée. S’il va de soi, le but à atteindre est oublié : c’est le chemin qui importe.
C’est bien beau, tout ça, mais qu’est-ce qui va de soi? Rien, justement. Le retour des fêtes me laisse toujours un peu bredouille, devant le néant, avec seulement un goût dans la bouche et des désirs insaisissables et loin d’être clairs : envie de faire comme je dis, envie de laisser tomber la moitié des choses que j’ai construites et d’en privilégier d’autres qui m’ont l’air d’une évidence gênante. Rien de plus clair que ça : pas de perte de poids, pas d’arrêt de fumer, pas de faire plus de sport. Pas de résolutions; seulement quelques idées floues, des sortes de chemins qui ne mènent, jusqu’à maintenant, nulle part.
Je vois toujours la nouvelle année comme une entrée dans le noir. Pour avancer dans le noir, il faut regarder d’où ont vient. Un cliché, comme le temps des bilans. Bilan, soit.
Néanmoins, cette distraction ne me paraît pas totalement hors sujet. Ce sont là des lieux que je fréquente accompagné. Ce sont des lieux qui n’existent pas sans notre présence. Ce sont des lieux dont l’expérience se vit pleinement avec l’autre. Ce sont des lieux réels.
Cette distraction n’est pas hors sujet, mais je la vois aujourd’hui comme un exil. J’ai quitté ce lieu nouveau et effrayant à souhait, celui des autres, celui des humains, pour aller me réconforter dans un café tendance et dans un restaurant branché. J’ai fui le risque des autres pour me retrouver en terrain connu et confortable, tout juste avant les fêtes, avant de me jeter dans la gueule du loup, c’est-à-dire dans le territoire familial et dans l’heure des bilans, sans m’apercevoir que ce territoire et cette heure, que le temps des fêtes est si pénible pour nous tous surtout pour cette raison : les autres. Ce sont eux, les humains qui, d’un coup, le temps de quelques soirs, deviennent soudainement beaucoup trop proches, exigent de nous la terre entière et font renaître en nous des rengaines, des regrets, des hontes, des oublis, des vieilles histoires et des vieux sentiments qu’on aurait préféré garder enfouis. Ce sont eux, les autres, les humains, les visages des proches et des moins proches qui, pendant le temps des fêtes, nous émeuvent et nous remplissent d’une joie si stéréotypée que nous préférons la taire pour mieux la chérir dans la solitude. Le temps des fêtes n’est fait que de signes nous rappelant ces visages qui foutent le bordel dans nos têtes, dans nos pensées, dans nos émotions. En tout les cas, pour moi, le temps des fêtes est un bien beau bordel.
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