DÉAMBULATION 3. Hommage aux petits vieux ou exercice de conditionnement pour les aimer.

J’aime les adolescents. Je les trouve attachants. Surtout quand ils se croient invincibles, quand ils jouent aux durs à cuire, aux mafiosos, aux gangsters. La petite mousse en guise de moustache trahit leur capacité d’être véritablement dangereux. J’imagine que les petits vieux et les gens pincés qui ont peur de ces « ados attardés » ont simplement oublié leur propre adolescence, leur propre sentiment d’invincibilité, leurs propres mauvais coups. Peut-être vivent-ils loin de la liberté dont jouissent certains adolescents, dans des villes vieillissantes où les jeunes sont cachés dans les sous-sols à jouer à des jeux vidéo, de manière à ce qu’ils n’existent pas aux yeux des plus âgés assis sur leur chaise berçante en regardant la maison identique devant eux. Oui, j’ai certainement une opinion un peu méprisante envers ceux qui méprisent les jeunes. C’est qu’ils sont, à mon avis, si inoffensifs. Ils crient, ils jappent, ils se ridiculisent entre eux, ils parlent tout croche, ils se fringuent comme jamais ils ne pourront se le permettre, ils écrivent sur les bancs d’autobus, ils gravent des surnoms dans les vitres des métros, ils volent toutes sortes d’objets comme s’il s’agissait de la plus grande réussite sociale, ils écoutent de la musique dans le tapis et ils s’accrochent à leur cellulaire comme à l’extension de leurs membres. Parfois ils rient de la sénilité des vieillards, de l’accoutrement d’une matante ou des poils d’oreille d’un mononcle. Dangereux ? Bien sûr que non. Simplement jeunes. Dans deux ans, ils seront méconnaissables.

À l’aide de différents dispositifs souvent ridiculement trop sophistiqués pour un si simple but, on s’acharne pourtant à les faire fuir. On s’attaque bien sûr aux graffiteurs, aux gangs de rue, aux vendeurs de drogue. Dangereux ? Bien sûr que non. Simplement seuls, pauvres, abandonnés, mal éduqués, et tout ce qu’on peut croire. Et jeunes. Un bien triste mélange qui, au bout du compte, ne donne envie que de les laisser tranquilles. Démagogique, tout ça ? Peut-être. Et alors ? Faites sonner les violons. On ne le fait assez souvent, pour eux. On essaie plutôt de les faire disparaître du paysage. On installe des caméras dans les coins de rue sombres, dans le parc Viger et aux sorties du métro Berri. Dernièrement, on a installé dans certaines station de métro des sortes d’émetteurs de sons absolument stridents qui ne seraient supposément entendus que par les jeunes de 13 à 25 ans (cliquez sur le lien sous la photo, vous y lirez un article sur l’engin). Faut croire que ce système est défectueux car, au sommet de mes 26 ans, il m’est arrivé, en arrivant près du quai du métrao Jean-Talon, d’entendre ledit son (un beep identique à celui qu’on entend le lendemain d’une sortie en boîte à danser à côté des haut-parleurs). J’ai rapidement regardé vers le haut et vu les haut-parleurs.

http://www.cyberpresse.ca/article/20080412/CPACTUALITES/804120980/-1/CPACTUALITES

J’ai tout de même pris le temps de les photographier, mais j’ai dû reconnaître assez rapidement l’efficacité du système, de manière à fuir rapidement les lieux sans trouver le meilleur angle pour la photo. J’étais hors de moi. Comment se promener librement alors qu’on rajoute des sons insupportables par-dessus le boucan déjà criard de la ville ? Les jeunes finiront toujours par trouver un endroit pour faire leur propre boucan, pour écrire sur les murs de la ville toutes les sottises possibles, pour vendre leur drogue, pour voler leurs condoms, pour déchirer les bancs d’autobus, pour foutre le bordel. J’ai hâte de voir un de ces haut-parleurs vandalisé par un ado, comme il m’est déjà arrivé de tomber sur un gang de calottes à palette sur le côté en train de battre une caméra de surveillance à coups de pieds. J’ai simplement souri.

J’avoue avoir une préférence pour ces adolescents, et de mettre de côté les plus vieux. J’ai rarement été attendri par un vieillard. Parfois ils me font rire avec leurs remarques désobligeantes, et je me dis que je serai sans doute un vieux bougon et que je serais bien seul dans ma vieillesse si les jeunes disparaissaient. Je me promets alors vivre mon troisième âge entouré de jeunes afin de toujours les comprendre et de ne jamais les détester, de sorte à ce qu’ils ne tiennent pas les mêmes propos que j’ai déjà tenus envers les pauvres vieillards apeurés. Puisqu’on vieillit plus vite que son ombre, j’entreprends cette promenade en hommage aux petits vieux comme un exercice ayant pour but d’amoindrir ma haine. Le tout commence par les transports en commun, puisqu’on y est, loin des appareils aux sons stridents, dans l’autobus au plus beau trajet puis dans le métro, pour me rendre au site du Festival de Jazz (faut bien en parler un peu, pour les touristes). Je m’assois d’abord aux premières loges, c’est-à-dire à l’avant du bus parmi vieillards et invalides, là où on passe de l’attendrissement le plus total à l’exaspération la plus féroce.



4 Commentaires

  1. Nicho a un blogue! Moi aussi j’en veux un, question de m’enfermer dans mon bureau et fuir mon chiot de 100 lbs qui me suit à la trace avec la langue pendante… Je te le passerai l’hiver procahin pour faire du traîneau, c’est probablement sa seule utilité…Je t’appelle sous peu pour ma pendaison de crémaillère!xx

  2. Je ne me souviens plus. Je ne crois pas; elles étaient en plein bavardage typique : »ah ben mon dieu, on reconnaîtra plus notre centre-ville! » Mais plusieurs autres personnes m’ont pognées. J’avoue aimer ça…

Laisser un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueueurs aiment cette page :